A Montreuil, je sais qu’il y a environ 105 000 habitants. Je ne saurais pas donner précisément, même si je dois avoir les chiffres quelque part, le nombre de femmes et d’hommes, le nombre de jeunes et de vieux, le nombre d’actifs, de chômeurs, de retraités, le nombre de personnes en dessous du seuil de pauvreté… En revanche, je peux vous donner le nombre de roms. Ou en tout cas, le nombre avancé par les uns et les autres. Car oui, à Montreuil, on compte les Roms. Avant, c’était les Maliens, maintenant c’est les Roms. Et comme dans les manifs, il y a le chiffre des organisateurs et celui de la police. Ils seraient donc 1000 selon Jean-Pierre Brard (qui s’appuie sur des textes de Patrick Petitjean), ou un peu moins de 500, selon Dominique Voynet, qui ajoute même : « c’est déjà trop ».
Allons bon… y aurait-il un quota pour les Roms ? Mais quel est-il ? Quel pourcentage de la population totale serait acceptable ?
Bon, ne voyons pas le mal partout… disons que les Roms rencontrent des problèmes d’intégration particuliers, et que leur nombre définit les efforts à fournir et à supporter par une collectivité. Et que lorsqu’on compte les Roms, c’est un peu comme compter le nombre de personnes en attente d’un logement (ah, je connais ce chiffre là : 6000). Admettons, donc, qu’il n’y a pas là-dessous la volonté de stigmatiser une communauté mais de définir un groupe social spécifique. Admettons.
Donc, à Montreuil, nous avons parmi les habitants un groupe d’environs 500 à 1000 personnes qui nécessitent une reflexion spécifique sur les politiques publiques à mettre en oeuvre à leur égard.
Et ce groupe d’habitants là, aussi petit soit-il, a été l’un des sujets de débat déterminants des dernières municipales. Pour faire vite, il y aurait eu d’un côté l’équipe Brard, des méchants qui voulaient se débarasser des Roms, et de l’autre l’équipe Voynet, les gentils qui voulaient prendre leur défense.
En Mars 2008, c’est l’équipe Voynet qui a gagné. Quatre mois plus tard, un dramatique incendie détruisait un squat de Roms… Peu de temps après, la municipalité décidait de mettre en place une maîtrise d’oeuvre urbaine et sociale (MOUS) pour, non seulement répondre au besoin immédiat de prise en charge des familles, mais se fixer également pour objectif l’insertion effective des personnes concernées.
Dès lors, les choses étaient posées, il fallait choisir son camp : celui des gentils, qui approuvaient la MOUS, ou celui des autres… La moindre interrogation, la plus petite critique de la MOUS revenait à être assimilé à un méchant raciste xenophobe suppot de Sarko et pourquoi pas d’Orban… Trois ans plus tard, nous en sommes malheureusement encore là. Oser dire que la MOUS pourrait être un echec vous rangerait immédiatement dans le camp de l’opresseur… ou pire encore, du Brardiste ! (ah oui, parce que plus de 4 ans après la municipale, l’ennemi à abattre à Montreuil, ça reste Brard… à sa place, je m’enorgueillirais de rester ainsi le centre de toutes les attentions !).
Prenant acte de cet état de fait d’une objectivité époustouflante, et après avoir participé autant que possible -une campagne présidentielle peut nuire à l’assiduité – aux travaux d’évaluation de la mission d’évaluation de la MOUS,j’ai décidé de le dire bien haut : la MOUS Roms, à Montreuil, c’est une réussite !
C’est une réussite qu’au bout de trois ans la grande majorité des familles continuent à vivre dans des camps au confort très relatif
C’est une réussite que les conditions d’hygiène soient altérées par des sanitaires régulièrement bouchés, et que les rats côtoient les enfants.
C’est une réussite que des adultes aient à demander la permission pour recevoir de la famille ou des amis, et soient soumis à un couvre feu
C’est une réussite que le racisme anti-roms ne cesse d’augmenter dans la ville.
C’est une réussite que les filles se marient de plus en plus jeunes, et soient descolarisées dès le collège.
C’est une réussite qu’aucune reflexion n’ait été engagée sur un accès sécurisé à la dechetterie, alors même que la plupart des personnes concernées sont ferailleurs.
C’est une réussite qu’on en soit réduits à se réjouir de chaque statut d’auto-entrepreneur obtenu, alors même qu’on passe notre temps à dénoncer ce statut.
C’est une réussite que, l’un des terrains n’étant plus disponible, on déménage les Roms dans un autre sans s’être assuré de leur offrir de bonnes conditions d’accueil, en y prééparant les riverains par exemple..
C’est une réussite que les enfants ne puissent plus accéder au dispositif « CLIN ».
Oh bien sûr, les bonnes intentions des élus de la majo ne sont pas en cause… les associations affichent leur volonté d’accompagner les Roms au mieux, et ont permis une meilleure scolarisation des enfants, un accès au soin des familles… Bien-sûr, le discours de Grenoble et la politique répressive du précédent gouvernement n’ont pas aidé.. Bien-sûr, la Préfecture n’a pas fait preuve d’une implication flagrante.
Aurais-je une solution miracle sur les politiques à mettre en place au niveau local ? Non…. Il faut en effet expérimenter, réflechir, échanger avec les intéressés, analyser les expériences. Le champ d’action restera toujours limité et mérite qu’on l’élargisse à l’echelon du département, de la région, du pays, de l’Europe.
Bien sûr…
Mais pour aborder ces nouvelles pistes, il faut déjà faire le travail d’autocritique nécessaire. On apprend de ses erreurs.
Parfois, il faut savoir admettre ses propres echecs…
Mais quels échecs ? Puisque je vous dis que c’est une réussite !
Juliette Prados
Conseillère municipale
Montreuil