A nouveau, la situation financière des « villes populaires », comme nous parlons des quartiers populaires, revient sur le devant de la scène politique. Suivant l’exemple de la municipalité Front de Gauche (PCF) de Grigny en Essonne qui avait rassemblé plus de 500 citoyen-ne-s devant la Préfecture de l’Essonne en 2010, le premier magistrat de Sevran a appelé ses concitoyen-ne-s à manifester vendredi 9 novembre devant l’Assemblée nationale pour exiger 5 millions d’euros nécessaires à l’équilibre du budget de cette commune séquano-dyonisienne. Depuis, il est en grève de la faim devant l’Assemblée nationale.
En 2010, le Parti de Gauche écrivait à propos de la situation grignoise : « Grigny constitue, au premier chef, une illustration presque caricaturale du désengagement de l’État aux côtés des communes ». En euros constants, les dotations versées par l’Etat n’ont cessé de baisser au cours de ces vingt dernières années. Pour illustrer ce propos, l’Association des Maires de France, dans son analyse de la loi de Finances 2009, signale : « Les concours de l’État aux communes et établissements publics de coopération intercommunale progressent en 2009 de 1,1 milliard d’euros (soit + 2 %, c’est-à-dire moins que l’inflation réelle), puis de 1 milliard chaque année (soit + 1,74 % en 2010, + 1,71 % en 2011, et + 1,68%en 2012). »
Aujourd’hui, les députés du Parti socialiste et d’Europe Ecologie-Les Verts ont voté la « règle d’or », qui impose la réduction du déficit public à 0,5 % du Produit Intérieur Brut, le total des richesses produites en une année dans le pays. Ils ont aussi voté le projet de loi de finances 2013 qui entérine à hauteur de 2,5 milliards d’euros la « contribution » des collectivités territoriales à la réduction du déficit public. Traduction concrète et en bon français : les dotations de l’Etat à destination des collectivités territoriales sont encore gelées pour les années à venir. En euros constants, elles sont donc en baisse. Les origines de la situation dénoncée par le maire de Sevran – à juste raison – sont à chercher dans ce budget de la nation pour 2013. Il ne fait que poursuivre la logique austéritaire mise en place par le gouvernement « Sarkozy-Fillon » sorti.
La situation de la ville de Sevran n’est pas isolée. Grigny, Villetaneuse, Stains, Clichy-sous-Bois, d’autres villes intégrées dans de grandes métropoles comme Marseille, Lille, Grenoble, Montpellier par exemple, connaissent le même désengagement financier de la part d’un Etat qui porte, pourtant, une lourde responsabilité dans les difficultés qu’elles rencontrent. Vu que les ressources fiscales de ces territoires sont souvent limitées en raison de la faiblesse des revenus de leurs habitants, le recours à l’emprunt se développe. L’enjeu est de financer les outils nécessaires pour répondre quotidiennement aux besoins sociaux sans cesse croissants de la population. L’absence de péréquation budgétaire au niveau national rend caduc le principe d’égalité entre les citoyen-ne-s pourtant inscrit dans la Constitution.
Implicitement, la baisse des dotations aux collectivités autant que l’attitude des banques qui rendent de plus en plus difficile l’accès au crédit constituent une manière d’amener les collectivités à pratiquer la délégation de service public voire la privatisation de politiques sectorielles, la cantine scolaire, le balayage des rues ou le transport de personnes. Enfin, à l’image de Grigny en Essonne, beaucoup des « villes populaires » sont contraintes de réaliser des investissements lourds pour rattraper un retard structurel en matière d’équipements publics dont l’État est le premier responsable.
Il est donc nécessaire d’apporter des réponses communes entre collectivités concernées par la situation que met en lumière l’actualité de Sevran. Une réponse individuelle ne saurait déboucher que sur un « pis-aller » momentané, un emplâtre sur une jambe de bois. Que représente le bouclage d’un budget municipal pour 2013 s’il faut recommencer l’année suivante ? Que représente le « règlement momentané » de la question de Sevran quand les mêmes difficultés sont imposées à La Courneuve, Grigny, Vénissieux ?
Plus que des gestes désespérés qui ne répondent pas à ce que les citoyen-ne-s attendent de leurs élu-e-s, nous proposons que les « villes populaires » s’organisent ensemble, en toute transparence avec les citoyen-ne-s qui y vivent, pour arracher au gouvernement une nouvelle orientation républicaine pour faire de l’égalité territoriale et citoyenne une réalité portée par un mouvement populaire.
Les propositions de l’acte 3 de la Décentralisation – que nous attendons toujours – doivent s’inscrire dans cette perspective : commencer par redonner du sens à l’autonomie financière des communes en repensant la question fiscale d’une part ; d’autre part, poursuivre l’exigence d’une réforme réelle de la péréquation financière, garante de l’équité territoriale (remise à plat des dispositifs existants et saisir le Parlement à ce sujet) et garantir l’accès des collectivités à un financement véritablement sécurisé. Nous faisons enfin nôtre la revendication d’une Agence publique de financement des collectivités locales.
Martine Billard, co-présidente du Parti de Gauche,
Riva Gherchanoc, membre du Bureau National du Parti de Gauche
Franck Boissier, co-secrétaire départemental du Parti de Gauche de Seine-St-Denis
Henri Gorgues, co-secrétaire du comité PG93-11 (Sevran-Tremblay-Villepinte)
Nathanaël Uhl, membre du conseil national du Parti de Gauche